Bienvenue chez Ed

Obstination.

Il s'était renfermé sur lui-même et ne relevait plus son visage. Il restait fixé sur son jeu de cartes. Malgré l'insistance d'Emmanuelle, il ne voulait pas revenir sur sa décision. L'invitation n'était pourtant pas pour lui déplaire.

Emmanuelle, qu'on appelait tous Manue, était une des plus belles filles de la classe, et Jean-Victor, comme tous les garçons, n'était pas insensible au charme de la jeune fille. Il était difficile de lui refuser quoi que ce soit. Pourtant Jean-Victor s'était borné à décliner l'invitation à la fête qu'elle organisait, simplement à cause de la présence de l'élève qu'il détestait le plus dans la classe.

Sébastien était le seul qu'il ne pouvait pas supporter. Il ne pouvait même pas expliquer les raisons de ce rejet envers lui. Il ne l'aimait pas, c'est tout.

Depuis le jour de son refus, il tournait en rond, hésitait, tentait de revenir sur sa décision, replongeait dans son entêtement et hésitait à nouveau. Il mourrait d'envie de se rendre à cette fête, mais ne pouvait se faire à l'idée qu'il y côtoierait Sebastien pendant toute une journée.

Le jour des festivités était arrivé et aucune réponse de la part de Jean-Victor ne s'était fait entendre au sujet de sa venue éventuelle. Presque tous les invités se trouvaient là, ponctuels, aidant pour le transport des denrées vers le lieu où se déroulerait cette réunion de fin d'année. Le signal du départ était donné quand on entendit au loin le bruit sourd d'une trompette à moitié aphone qui aurait mal à la gorge. Tout le monde avait reconnu en cette musique douloureuse pour les tympans la célèbre "chiotte" de Jean-Victor.

Il ne voulut pas avouer qu'il avait renoncé à sa bouderie au profit d'une journée entre amis, mais tout le monde fut heureux de constater qu'il avait changé d'avis. Il n'y eût même pas de disputes entre lui et Sébastien car ce dernier fut introuvable pendant 48 heures. On entendit à nouveau parler de lui au journal régional.

La police avait en effet retrouvé dans un fossé le cadavre calciné d'un adolescent de seize ans étendu près d'un jerrican d'essence noirci par les flammes. Les traces de pneus de mobylette relevés sur le chemin n'auraient pas fait avancer l'enquête de la police et le meurtrier n'a donc jamais été identifié.