J'observais l'enfant depuis déjà plusieurs minutes et je n'arrivais pas à détourner mon regard.
Les cheveux oranges aux reflets verts, le petit chapeau melon supportant un fleur de plastique souple, les pommettes roses, la bouche peinte en rouge et entourée d'un trait plus foncé. Les yeux étaient ce qui, de loin, m'intriguaient le plus. Les deux fines marques noires qui les entouraient se découpaient très nettement sur la blancheur du visage. Le contraste entre les mouvements de l'enfant buvant son soda et la fixité du masque qu'il portait m'énervait au plus haut point. Ce n'est pas que je n'aime pas les déguisements, d'autant plus que mon job de policier m'oblige à porter une tenue assez "voyante", mais cette figure de clown ne me revenait pas. Je n'aime pas les clowns. Je ne les ai jamais aimé d'ailleurs.
Je décidai alors d'agir en conséquence et mon révolver fut vite dégainé. Le masque provocateur éclata en mille morceaux, ainsi que le crâne de l'enfant qui le portait. La détonation en avait fait sursauter plus d'un, mais plus personne n'osait bouger maintenant. Je me levais de ma chaise et m'éloignais lentement sous le regard des passants. Du coin de l'oeil, j'aperçu le père du gamin qui revenait des toilettes. Il a eu l'air surpris.
Un hurlement de trompette, accompagné des coups sourds d'une grosse caisse, fit s'évanouir trois personnes et arracha quelques cris de surprise aux autres. La fanfare du Carnaval de Venise débouchait dans le tournant de la Grand-Rue. Les musiciens, les acrobates, les jongleurs... tous les participants du défilé étaient là. Ils étaient vêtus de costumes colorés, portant mille accessoires et, respectant la célèbre coutume, étaient tous masqués. La plupart en clowns. Je n'aime pas les clowns. Je ne les ai jamais aimé d'ailleurs...
Merde. Plus de balles.